mardi 3 novembre 2009

Tonton Creck




Il était brillant et sportif. C’était le plus beau de la fratrie, un charmeur qui faisait tomber les filles et qui avait un beau palmarès. Son terrain favori c’était les stades ou il pouvait courir pendant des heures sans jamais se fatiguer. Il aurait pu avoir une belle carrière, il collectionnait des coupes et des médailles sur les étagères de sa chambre mais il aimait aussi faire la fête et ses virées nocturnes n’étaient pas compatibles avec la vie d’un sportif.

Je me souviens de la superbe villa qu’il occupait dans un quartier de Coccxyde en Belgique, il était alors marié à une très belle femme, mannequin à ses heures et surtout enfant gâtée, adoptée par un couple huppé de la Panne. Son mariage était voué à l’échec dès le départ, une belle mère oisive et envahissante au possible qui vouvoyait son affreux clébard qui répondait au stupide nom de « Biscuit », un beau père continuellement pris par ses affaire qui voyageait beaucoup, et qui supportait de plus en plus mal sa femme et sa fille et une femme qui était plus à l’aise pour faire du shopping que de s’occuper de sa maison. De cette union est né un joli petit garçon qu’il ne reverra plus jamais.

Il commence à sortir pour oublier l’échec de son mariage et à brûler la vie par les deux bouts, boîte de nuit, alcool, cigarettes, filles de passage, une nuit il est victime d’un terrible accident de voiture. Son meilleur ami est au volant et perd le contrôle du véhicule, il passe à travers le pare-brise et reste hospitalisé durant des mois. Rééducation et plusieurs opérations pour essayer de réparer ce visage meurtri qui ne redeviendra plus jamais comme avant. Il rencontre alors Rita, une jeune femme qui travaille dans une boutique de jouets sur la plage de la Panne.


Je l’aime bien Rita, elle fume comme un pompier et carbure au martini Gin mais elle est très cultivée. Elle n’est pas adepte de la langue de bois et dit toujours ce qu’elle pense au risque de choquer et elle s’en fout. Rita vit sa vie sans s’occuper de ce que les gens peuvent penser, elle a des idées sur tout et avec elle on peut parler….ils sont heureux tous les deux, ils ne se marient pas, ils sont ensemble c’est tout.

Un matin Rita nous appelle et nous dit qu’il a eu un terrible accident de voiture, il est passé à deux doigt de la mort mais sa bonne étoile était au rendez-vous. Un véhicule a traversé l’autoroute et est venu s’encastrer dans le sien. Quand les pompiers arrivent, il est laissé pour mort, ils s’occupent du conducteur de l’autre véhicule. C’est un témoin de l’accident qui tout à coup va s’apercevoir qu’il émet de petits râles, il sera réanimé et là encore son visage a été touché. Il est cassé de partout, il faudra de la patience et de la rééducation pour qu’il puisse à nouveau marcher et vivre normalement. Il a un moral d’acier, un moral de battant, un moral de sportif, il en veut et il y arrive.

Un jour Rita s’en va, elle tombe amoureuse de son psy et le quitte, il s’en remet difficilement et noie son chagrin dans l’alcool de plus belle. Il finit par rencontrer une autre femme qui lui donnera un fils, Maxime, un petit garçon adorable qui vénère son papa et qui lui pardonne toutes ses frasques. Mais le bonheur est difficile à garder.

La solitude est là, tapie dans un coin elle attend son heure, sa femme rencontre quelqu’un d’autre et le quitte, commence alors la descente aux enfers, il se fait plumer par des nanas, parce qu’il a le cœur sur la main, il donne toujours sans jamais recevoir. La maison est pleine de copains, l’alcool est son fidèle compagnon, celui qui ne défaille jamais, celui qui ne trahit jamais….celui qui est là quand on en a besoin….. l'alcool est son pire ennemi..... Il consume sa vie et nous assistons impuissants à sa déchéance. La seule chose positive c'est qu'au travail, il ne boit pas, il a un bon poste et c'est le collègue idéal.


L’année dernière il y a ce terrible accident vasculaire cérébral, les médecins sont pessimistes, ils pensent qu’il n’y survivra pas…..trois opérations à la suite, il s’accroche, cette chienne de vie il l’aime et il ne veut pas partir. A force de courage, de ténacité il remonte la pente petit à petit, il doit réapprendre certains mots qu’il a oubliés, il doit se servir de ce bras qui ne répond plus. Les médecins sont formels, s’il veut s’en sortir il faut arrêter l’alcool et le tabac. Cette fois il décide d’être sage, il va sur ses 61 ans, il veut prendre soin de lui et de sa santé, il ne veut plus jouer les têtes brulées. Il est en retraite, il veut profiter de la vie…..et il gagne la bataille.



La métamorphose est phénoménale, il ne fume plus, ne touche plus à l’alcool, il poursuit sa rééducation et personne ne peut croire qu’un an auparavant il a eu un AVC…. Il revit, il a plein de projets et c’est debout et fier qu’il assiste au mariage de son fils cet été.

« J’aimerai un jour venir en Israël » me dit-il, je lui réponds que c’est une bonne idée, qu’il peut venir quand il veut et que je suis certaine qu’il va aimer….

Il y a dix jours il s’est senti très fatigué, plus d’appétit, pas de force, des douleurs un peu partout, il a fini par appeler le médecin qui a décidé de l’hospitaliser pour des examens.

Dimanche matin, à l’aube, il a perdu sa dernière bataille, un cancer généralisé qui ne lui a laissé aucune chance de s’en sortir, un cancer dont il ne connaissait même pas l'existence et qui nous a tous laissés stupéfaits. Dimanche matin sa bonne étoile n'était pas au rendez-vous et s’est éteinte en même temps que lui.

Il s’appelait Christian, on le surnommait "Creck", c’était mon tonton et ce tonton je l’aimais. Jeudi il sera inhumé dans le caveau de mes grands-parents dans le petit cimetière de Bray-Dunes, j’espère qu’il ne pleuvra pas, j’enverrai un rayon de soleil de la terre d’Israël, cette terre qu’il ne foulera jamais…. je ne serai pas là pour lui dire au-revoir mais peut-être que jeudi soir j'apercevrais son étoile une dernière fois dans le ciel.....

19 commentaires:

  1. Je suis sure que tu appercevras son etoile ...

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  2. Désolée pour toi ma belle...
    Des bises.

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  3. Très triste pour toi moi aussi, partir si vite... Je t'embrasse

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  4. Il s'est accroché tant qu'il a pu mais son heure est arrivée.
    C'est vrai que c'est triste.
    Tendres bisous...

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  5. Un beau portrait plein d'affection que tu nous fais là, on sent que déjà il te manque!

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  6. un billet touchant (un fois de plus !) .Ton tonton Christian (dit creak) ce sportif qui brula sa vie avec le coeur sur la main et une bonne étoile au dessus de lui est un personnage digne des films de Claude Sautet ! Je partage ta peine et te salue Ysa !

    que ta journée soit malgré tout radieuse !

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  7. Il savait peut être que sa vie serait trop courte et il en a profité...

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  8. il s'est accroché à la vie, et pourtant, la vie ne lui a pas fait de cadeaux.
    bon vent Creck.

    je t'envoie mille pensées, Ysa

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  9. Toutes mes condoléances, c’est toujours dur de perdre quelqu’un qu’on aime... courage...

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  10. avec toi dans la douleur grande soeur...

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  11. Juste un très bel hommage plein d'amour et de pudeur mêlés.

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  12. Très belle hommage que tu lui rend, on est avec toi de tout coeur. Bye Ysa

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  13. Mais ce texte est une belle manière d'exprimer ce que tu as ressenti et ressens toujours pour lui.
    Je pense à toi et à ta famille.

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  14. il a bien vécu sa vie, sa liberté. Des pensées pour lui........

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  15. EMMA : j'en suis certaine moi aussi...

    SCO : Merci, bises à toi aussi...

    ZELIE : Oui on a vraiment été surpris surtout qu'il était en pleine forme...

    CARELI : A l'hôpital ils se sont rendus compte qu'il avait un cancer généralisé mais ils ne lui ont pas dit, je pense que c'est mieux, il ne s'est rendu compte de rien, il était sous morphine....

    BRICO GIRL : Oui j'aurais aimé qu'il vienne chez moi en Israël...

    JERRY LE MAGICIEN : Oui c'est vrai, c'est dommage qu'il ait tout gâché avec l'alcool, il était si brillant...

    HEURE BLEUE : Il en a profité, quand il était à jeun parce quand il buvait il se barrait en vrille....

    NORZEM : C'est vrai qu'il l'aimait cette vie même si elle n'a pas été tendre avec lui, mais il avait choisit la bouteille comme compagne, et c'est pas une compagne idéale...

    FIGELE : Oui, les oncles et tantes vieillissent, on les voit partir l'un après l'autre, cette année deux de la même fratrie sont partis...

    CHARLES : Merci...

    AllX : C'est une petite trace ici sur le blog de son passage sur terre....

    CATCENT : Merci...

    CHOUYO : C'était un sacré tonton, ce qui est stupide c'est que dans la semaine j'ai pensé à l'appeler et je ne l'ai pas fait car pour joindre sa chambre à l'hôpital ce n'était pas toujours évident....

    MAE : Oui il a bien vécu, même s'il était parfois entre deux bouteilles !!!

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  16. Jeudi il sera inhumé dans le caveau de mes grands-parents dans le petit cimetière de Bray-Dunes...

    Je lis cette histoire et je Bray...

    moi aussi j'ai un tonton comme le tien et le jour où il va partir....ouhhhh !

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  17. Ici la nuit est tombée, j'espère que chez toi les étoiles brillent.

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  18. BERAN : c'est vrai que dans ch'nord on dit "arrête de braire"....

    JOELLE : Il y a plein d'étoiles dans le ciel, j'imagine celle de Crek, il repose maintenant et commence une autre vie, je l'espère pour lui...

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  19. Bein ça y est, tu as encore une fois réussi à me faire pleurer.
    D'ailleurs, jeudi à son enterrement, j'ai aussi eu beaucoup de mal à retenir mes larmes.
    IL faisait aussi un peu parti de ma vie Creck... Il nous a bien fait rire parfois lorsqu'il parlait de la tétine de Samuel quand celui-ci était petit. Tu te souviens??"Tate Beck" (désolée pour l'orthographe ;-) )
    J'avais juste oublié Rita. Elle était géniale, je l'aimais bien aussi avec son franc parlé et son accent Belge.
    Quand à son fils, c'est un très beau jeune homme (que j'ai gardé il y a quelques années à la crèche)j'ai eu beaucoup de chagrin en le voyant si malheureux à l'église

    Bisoux me Kind
    Le Lion

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