
Ca ne ressemble pas à une plage huppée de la Côte d’Azur, le temps est parfois gris et à marée basse il faut parcourir des centaines de mètres avant de poser le pied dans l’eau qui dépasse rarement les 20 degrés.
Le sable est blond et fin, il file entre nos doigts et procure un plaisir tactile auquel on s’habitue vite, il s’étend sur des kilomètres et le long de dunes plantées d’oyats. On croise parfois des chars à voile ou des chevaux, quelques pêcheurs qui raclent le sol avec des filets et qui guettent une improbable pêche miraculeuse.
Lorsqu’il fait beau on aperçoit les premiers immeubles de La Panne, station chic de la Belgique. De l’autre côté Zuydcoote et Dunkerque se profilent subrepticement….
C’est une petite station balnéaire, on en parle pas, elle ne fait jamais la une des journaux et pourtant la population qu’elle abrite a le cœur chaud. Ici les gens viennent de Steenvoorde, Bethune, Hazebrouk ou encore St Omer, du Pas de Calais avec ses terrils abandonnés et ses cités minières…. le dimanche, en été, un train spécial amène toute cette population pour une journée à la mer, parfois il pleut, ils viennent quand même, c’est leur eldorado, les enfants découvrent la mer pour la première fois, ils s’y baignent même s’il fait froid.
Vous êtes à BRAY-DUNES, la ville la plus au Nord de la France, la dernière ville avant la frontière Belge et c’est là que je suis née un matin de novembre. Pas de maternité, c’est le Docteur Delmare qui me met au monde dans une petite maison de la rue Charles Pichon, la maison de mes grands-parents encore habitée aujourd’hui par mes oncles.
Mes grand-pères se plairont à me dire que je suis une vraie Bray-dunoise, et cette ville, qui ressemble plus à un village, je vais l’arpenter pendant des années. Les anciens y parlent en flamand, chez mes grands-parents on n’échappe pas à la règle et étant bercée dans cette langue je comprends tout mais curieusement je ne le parle jamais, tout le monde me parle en flamand, je réponds en Français. Encore aujourd’hui je suis incapable d’en prononcer une phrase, par contre je n’ai rien oublié…. Ne me demandez pas d’explications, je ne sais pas répondre…..
Je fais mes premiers pas d’écolière à l’école Deswarte ou j’effectuerai ma scolarité primaire. J’aime bien cette école, Je m’y fais des copines, Martine et Frédérique habitent l’Avenue du Général de Gaulle, cette avenue est grande et large, au bout il y a la digue et la mer….il y a aussi de jolies maisons…. le papa de Martine est un pêcheur, il navigue souvent, la maman de Frédérique est infirmière. Sylvie habite la même rue que moi, son papa est ramoneur, c’est une famille plein d’enfants et j’adore aller chez eux, j’aime l’ambiance et la chaleur humaine qui y règne et le soir parfois je reste manger avec eux, le papa ramène des baguettes fraîches qu’on tartine de bonnes confitures ou de pastador et on les trempe dans du lait chocolaté….. Ma grand-mère me dispute « tu ne dois pas rester chez eux le soir, c’est une grande famille avec peu de moyens, il ne faut pas qu’en plus tu te rajoutes » !!! …… Catherine habite juste à côté…. Un peu plus loin, à la limite de Zuydcoote, il y a Marc, un petit blondinet avec les dents du bonheur, son père travaille sur un remorqueur au port de Dunkerque, il fait battre mon cœur d’enfant et souvent il passe et repasse à vélo devant la maison de mes grands-parents.
Quand je vais à l’école je marche sur la voie ferrée, il n’y a plus beaucoup de trains de voyageurs à cette époque, juste une micheline qui vient de Belgique et des trains qui transportent des matériaux jusqu’à l’usine des Dunes. J’aime marcher à cet endroit même si ma grand-mère me l’interdit, c’est dangereux me dit-elle, tu pourrais te faire happer par un train.
Au carrefour il y a une boulangerie qui fait l’angle, elle est toute petite, la vendeuse s’appelle Fernande. Elle a une sacrée patience Fernande, faut dire que je suis une bonne cliente, tous les jours je fais un détour par sa boutique, en général j’ai un franc pour acheter des bonbons, à l’époque avec un franc on achète beaucoup de choses, je choisis souvent des fraises, des sucettes piquantes et tout un tas d’autres bonbons. Quand je suis sage, ma grand-mère me donne une jolie pièce de 5 Francs et là c’est Byzance, j’ai des tonnes de bonbons que je partage avec mes copines à la récréation.
Pas loin de chez mes grands-parents il y a la rue des Marins, on y joue souvent et si on va au bout de cette rue on arrive près du canal de Furnes, j’ai peur de ce canal, j’ai entendu tellement de choses et d’accidents que je n’ose m’en approcher et pourtant il me fascine. Il y a parfois des péniches qui y passent, je me plais à les regarder et à saluer les mariniers qui sont à bord. Il y a parfois des enfants et on se fait des signes. J’ai interdiction de traîner près du canal mais je brave l’interdit.
J’accompagne souvent ma grand-mère à la pharmacie, elle est en face de la boulangerie et elle fait l’angle, il y a quelques années j’y suis retournée, c’était toujours le même pharmacien, mais bien sûr, il a vieillit, il doit être à la retraite aujourd’hui. Il y a aussi un PMU où je ne mets jamais les pieds, c’est pas bien d’aller là dedans me dit ma grand-mère, il y a de drôles de gens qui boivent et qui fument !!! De temps en temps on va au cinéma, « Family ou Familia », je ne sais plus…. il est bien vieux ce cinéma, il m’arrive d’y croiser Fernande la boulangère, on est jamais plus de 20 personnes pendant les séances.
Le dimanche on va en Belgique, on part à la Panne déguster des moules frites ou encore des crevettes. Souvent je mange une pêche Melba en dessert, je trouve que les glaces en Belgique sont meilleures qu’ailleurs. Ensuite on va chez Léonidas acheter des chocolats. J’aime la boutique Léonidas, j’ai toujours envie d’acheter plein de chocolats et je me dis que lorsque je serai grande, je viendrais ici et j’en prendrais des tonnes !! Mes petites boites ne durent jamais longtemps, en général le soir il n’y en a plus !!!
En septembre il y a la ducasse, c’est la fête du village, les manèges viennent s’installer, en général ils sont sur la place de la gare et place de l’Eglise. Ce jour là ma grand-mère réunit toute la famille et on mange de bons plats du nord, ma grand-mère est une excellente cuisinière, on se régale. Ensuite je fais la quête, tout le monde me donne la pièce et ça me permet d’aller profiter des manèges. J’attrape souvent le pompon, faut dire qu’avec ma petite frimousse blonde je sais y faire, quand le forain prépare son ballon je lui jette des sourires de star, ça le fait craquer forcément.
Il y a aussi le garde champêtre, j’ai oublié son prénom mais pas son allure, il passe avec son vélo noir tous les matins devant la maison de mes grands-parents et il me fait peur…. Souvent quand je désobéis ma grand-mère me dit qu’elle va l’appeler et qu’il viendra me chercher alors la simple menace de le voir débarquer calme vite fait mes envies de bêtises.
La vie est douce là bas, l’école, les copines, le centre aéré l’été et les bonbons de Fernande…..
Quand on passe dans la rue tout le monde se salue et moi on m’aime bien parce qu’on dit que je suis une petite fille modèle et très bien élevée. Quand c’est carnaval je vais taper aux portes des maisons et je récolte toujours plein de gâteaux et de bonbons…..
Puis les grands-parents disparaissent, je ne vais plus à Bray-Dunes que pour aller sur leur tombe, le cimetière est coquet et bien fleuri. Un jour j’ai vu mon nom sur une tombe ça m’a fait un choc, faut dire que j’ai un nom bien de là bas et des Van…. y en a des tonnes.
Aujourd’hui j’ai tout à coup eu la nostalgie de Bray-Dunes, faut dire que dernièrement avec Bérangère on a évoqué le « camping du Perroquet », du coup, ça ravive les souvenirs…. il me reste le virtuel mais je ne reconnais pas la ville de mon enfance, elle s’est modernisée, c’est une ville sportive, culturelle, déformation professionnelle oblige je suis allée jeter un œil sur les écoles, ils ont mis le paquet. J’aime finalement ce que cette ville est devenue même si je ne m’y retrouve pas.
J’ai appris il y a peu de temps que Martine était décédée il y a quelques années déjà dans des conditions tragiques, son père a disparu en mer, j’ai retrouvé Frédérique sur copains d’avant, elle n’habite plus Bray-Dunes, j’ai eu des nouvelles de Sylvie par l’intermédiaire de mon oncle, je l’ai retrouvée aussi sur Copains d’avant mais elle ne m’a pas répondu, je n’ai jamais revu Marc, le petit blondinet qui me faisait craquer…..
Le sable est blond et fin, il file entre nos doigts et procure un plaisir tactile auquel on s’habitue vite, il s’étend sur des kilomètres et le long de dunes plantées d’oyats. On croise parfois des chars à voile ou des chevaux, quelques pêcheurs qui raclent le sol avec des filets et qui guettent une improbable pêche miraculeuse.
Lorsqu’il fait beau on aperçoit les premiers immeubles de La Panne, station chic de la Belgique. De l’autre côté Zuydcoote et Dunkerque se profilent subrepticement….
C’est une petite station balnéaire, on en parle pas, elle ne fait jamais la une des journaux et pourtant la population qu’elle abrite a le cœur chaud. Ici les gens viennent de Steenvoorde, Bethune, Hazebrouk ou encore St Omer, du Pas de Calais avec ses terrils abandonnés et ses cités minières…. le dimanche, en été, un train spécial amène toute cette population pour une journée à la mer, parfois il pleut, ils viennent quand même, c’est leur eldorado, les enfants découvrent la mer pour la première fois, ils s’y baignent même s’il fait froid.
Vous êtes à BRAY-DUNES, la ville la plus au Nord de la France, la dernière ville avant la frontière Belge et c’est là que je suis née un matin de novembre. Pas de maternité, c’est le Docteur Delmare qui me met au monde dans une petite maison de la rue Charles Pichon, la maison de mes grands-parents encore habitée aujourd’hui par mes oncles.
Mes grand-pères se plairont à me dire que je suis une vraie Bray-dunoise, et cette ville, qui ressemble plus à un village, je vais l’arpenter pendant des années. Les anciens y parlent en flamand, chez mes grands-parents on n’échappe pas à la règle et étant bercée dans cette langue je comprends tout mais curieusement je ne le parle jamais, tout le monde me parle en flamand, je réponds en Français. Encore aujourd’hui je suis incapable d’en prononcer une phrase, par contre je n’ai rien oublié…. Ne me demandez pas d’explications, je ne sais pas répondre…..
Je fais mes premiers pas d’écolière à l’école Deswarte ou j’effectuerai ma scolarité primaire. J’aime bien cette école, Je m’y fais des copines, Martine et Frédérique habitent l’Avenue du Général de Gaulle, cette avenue est grande et large, au bout il y a la digue et la mer….il y a aussi de jolies maisons…. le papa de Martine est un pêcheur, il navigue souvent, la maman de Frédérique est infirmière. Sylvie habite la même rue que moi, son papa est ramoneur, c’est une famille plein d’enfants et j’adore aller chez eux, j’aime l’ambiance et la chaleur humaine qui y règne et le soir parfois je reste manger avec eux, le papa ramène des baguettes fraîches qu’on tartine de bonnes confitures ou de pastador et on les trempe dans du lait chocolaté….. Ma grand-mère me dispute « tu ne dois pas rester chez eux le soir, c’est une grande famille avec peu de moyens, il ne faut pas qu’en plus tu te rajoutes » !!! …… Catherine habite juste à côté…. Un peu plus loin, à la limite de Zuydcoote, il y a Marc, un petit blondinet avec les dents du bonheur, son père travaille sur un remorqueur au port de Dunkerque, il fait battre mon cœur d’enfant et souvent il passe et repasse à vélo devant la maison de mes grands-parents.
Quand je vais à l’école je marche sur la voie ferrée, il n’y a plus beaucoup de trains de voyageurs à cette époque, juste une micheline qui vient de Belgique et des trains qui transportent des matériaux jusqu’à l’usine des Dunes. J’aime marcher à cet endroit même si ma grand-mère me l’interdit, c’est dangereux me dit-elle, tu pourrais te faire happer par un train.
Au carrefour il y a une boulangerie qui fait l’angle, elle est toute petite, la vendeuse s’appelle Fernande. Elle a une sacrée patience Fernande, faut dire que je suis une bonne cliente, tous les jours je fais un détour par sa boutique, en général j’ai un franc pour acheter des bonbons, à l’époque avec un franc on achète beaucoup de choses, je choisis souvent des fraises, des sucettes piquantes et tout un tas d’autres bonbons. Quand je suis sage, ma grand-mère me donne une jolie pièce de 5 Francs et là c’est Byzance, j’ai des tonnes de bonbons que je partage avec mes copines à la récréation.
Pas loin de chez mes grands-parents il y a la rue des Marins, on y joue souvent et si on va au bout de cette rue on arrive près du canal de Furnes, j’ai peur de ce canal, j’ai entendu tellement de choses et d’accidents que je n’ose m’en approcher et pourtant il me fascine. Il y a parfois des péniches qui y passent, je me plais à les regarder et à saluer les mariniers qui sont à bord. Il y a parfois des enfants et on se fait des signes. J’ai interdiction de traîner près du canal mais je brave l’interdit.
J’accompagne souvent ma grand-mère à la pharmacie, elle est en face de la boulangerie et elle fait l’angle, il y a quelques années j’y suis retournée, c’était toujours le même pharmacien, mais bien sûr, il a vieillit, il doit être à la retraite aujourd’hui. Il y a aussi un PMU où je ne mets jamais les pieds, c’est pas bien d’aller là dedans me dit ma grand-mère, il y a de drôles de gens qui boivent et qui fument !!! De temps en temps on va au cinéma, « Family ou Familia », je ne sais plus…. il est bien vieux ce cinéma, il m’arrive d’y croiser Fernande la boulangère, on est jamais plus de 20 personnes pendant les séances.
Le dimanche on va en Belgique, on part à la Panne déguster des moules frites ou encore des crevettes. Souvent je mange une pêche Melba en dessert, je trouve que les glaces en Belgique sont meilleures qu’ailleurs. Ensuite on va chez Léonidas acheter des chocolats. J’aime la boutique Léonidas, j’ai toujours envie d’acheter plein de chocolats et je me dis que lorsque je serai grande, je viendrais ici et j’en prendrais des tonnes !! Mes petites boites ne durent jamais longtemps, en général le soir il n’y en a plus !!!
En septembre il y a la ducasse, c’est la fête du village, les manèges viennent s’installer, en général ils sont sur la place de la gare et place de l’Eglise. Ce jour là ma grand-mère réunit toute la famille et on mange de bons plats du nord, ma grand-mère est une excellente cuisinière, on se régale. Ensuite je fais la quête, tout le monde me donne la pièce et ça me permet d’aller profiter des manèges. J’attrape souvent le pompon, faut dire qu’avec ma petite frimousse blonde je sais y faire, quand le forain prépare son ballon je lui jette des sourires de star, ça le fait craquer forcément.
Il y a aussi le garde champêtre, j’ai oublié son prénom mais pas son allure, il passe avec son vélo noir tous les matins devant la maison de mes grands-parents et il me fait peur…. Souvent quand je désobéis ma grand-mère me dit qu’elle va l’appeler et qu’il viendra me chercher alors la simple menace de le voir débarquer calme vite fait mes envies de bêtises.
La vie est douce là bas, l’école, les copines, le centre aéré l’été et les bonbons de Fernande…..
Quand on passe dans la rue tout le monde se salue et moi on m’aime bien parce qu’on dit que je suis une petite fille modèle et très bien élevée. Quand c’est carnaval je vais taper aux portes des maisons et je récolte toujours plein de gâteaux et de bonbons…..
Puis les grands-parents disparaissent, je ne vais plus à Bray-Dunes que pour aller sur leur tombe, le cimetière est coquet et bien fleuri. Un jour j’ai vu mon nom sur une tombe ça m’a fait un choc, faut dire que j’ai un nom bien de là bas et des Van…. y en a des tonnes.
Aujourd’hui j’ai tout à coup eu la nostalgie de Bray-Dunes, faut dire que dernièrement avec Bérangère on a évoqué le « camping du Perroquet », du coup, ça ravive les souvenirs…. il me reste le virtuel mais je ne reconnais pas la ville de mon enfance, elle s’est modernisée, c’est une ville sportive, culturelle, déformation professionnelle oblige je suis allée jeter un œil sur les écoles, ils ont mis le paquet. J’aime finalement ce que cette ville est devenue même si je ne m’y retrouve pas.
J’ai appris il y a peu de temps que Martine était décédée il y a quelques années déjà dans des conditions tragiques, son père a disparu en mer, j’ai retrouvé Frédérique sur copains d’avant, elle n’habite plus Bray-Dunes, j’ai eu des nouvelles de Sylvie par l’intermédiaire de mon oncle, je l’ai retrouvée aussi sur Copains d’avant mais elle ne m’a pas répondu, je n’ai jamais revu Marc, le petit blondinet qui me faisait craquer…..